vendredi 15 mai 2009

MILLENIUM – LES HOMMES QUI N’AIMAIENT PAS LES FEMMES


Sorti le 13 mai



L’adaptation du premier roman de la trilogie de Stieg Larsson arrive enfin sur les écrans français. Le réalisateur danois Niels Arden Oplev et les scénaristes Nikolaj Arcel et Rasmus Eisterberg optent pour une transposition littérale du livre suédois, et on peut ressentir au début du film l’impression que tout va se dérouler de manière relativement mesurée pour ceux qui ont lu le roman. La présentation des personnages permet de découvrir un Mickael Blomkvist plus vrai que nature, interprété par un Michael Nyqvist intense. Le gros risque consistait évidemment dans la transposition du personnage de Lisbeth Salander, qui est l’une des héroïnes littéraires les plus complexes et captivantes qu’il m’ait été donné de découvrir. Sa personnalité plus que particulière appelait à un développement minutieux et très précis, et le fait de la découvrir en gothique pure et dure est quelque peu déstabilisant au début, car on craint alors de tomber dans un poncif irréversible.


Mais les différentes intrigues commencent à se mettre en place, et les personnages à se découvrir. Et le film prend lentement son rythme, suivant les éléments fondamentaux du livre de Larsson. L’affaire Wennerström pour laquelle Blomkvist est condamné pour diffamation, les problèmes d’argent de Lisbeth, et surtout le récit central, celui du mystère d’Harriet Vanger. Et si l’on craint au départ d’assister à une simple adaptation sans relief, on se rend progressivement compte que l’imbrication de ces différents éléments renforce le film comme ils le faisaient dans le roman. Sans atteindre la qualité exceptionnelle du matériau littéraire, le film parvient à recréer une ambiance lourde et mystérieuse semblant émaner du roman. C’est bien simple, on a vraiment l’impression que les personnages sont sortis du livre pour prendre vie sur grand écran, et c’est une réussite rare et remarquable.

Evidemment on ne coupe pas à certains raccourcis, notamment en ce qui concerne le personnage d’Erika Berger qui est à peine esquissé, mais qui physiquement colle parfaitement au roman. Même constat pour Dragan Armanskij, le patron de Lisbeth, que l’on voit trop furtivement. Mais même si Nils Arden Oplev déroule son récit sur 2h30, il fallait bien faire quelques coupes afin de ne pas se disperser et de maintenir une tension liée à l’intrigue principale. Ainsi, la frustration de voir quelques personnages sacrifiés (pour l’instant) permet à l’ensemble de conserver une cohérence solide et surtout de respecter l’atmosphère si particulière du roman. La mise en scène d’Oplev donne un cadre réaliste et tendu à l’intrigue de Larsson, et parvient à donner aux lieux une dimension tragique très proche du roman. L’île d’Hedestad baigne dans une sorte de calme temporel correspondant parfaitement avec le sentiment de voir un Henrik Vanger figé dans son existence depuis 40 ans.


Mais si des éléments dramatiques sont écartés (notamment la relation entre Mickael et Erika, qui est simplement évoquée avec quelques regards), d'autres sont nettement plus directs. Il s'agit évidemment des problèmes très personnels de Lisbeth, qui donnent lieu à des scènes difficiles, dont une à la limite du supportable. La démarche d'Oplev consistant à faire ressortir de la manière la plus juste possible l'essence même du livre donne un rendu très viscéral à ces scènes, où tout le talent de Noomi Rapace explose littéralement. Les quelques lecteurs qui auraient encore des doutes quant à sa capacité à incarner Lisbeth devraient définitivement changer d'avis... Rapace est littéralement Lisbeth, tout comme Niqvist devient Blomkvist. Et l'alchimie entre les deux semble elle aussi émaner du roman originel...


La relation particulière entre les deux protagonistes principaux peut se lire à plusieurs niveaux; il y a tout d'abord la différence dans les mécanismes d'investigations, Mickael étant adepte de l'enquête à l'ancienne, avec consultations d'archives et observations de photos. Tandis que Lisbeth mise tout sur internet et développe des dons très particuliers pour le hacking, lui permettant de trouver des infos très précieuses de manière illégale. A ce niveau, Oplev parvient à faire ressentir les tensions et les palpitations propres à l'enquête, dans une moindre mesure que le roman, mais de manière tout de même très efficace. Il y a une véritable énergie qui se dégage de ces avancées progressives vers la vérité, et la tension augmente d'autant plus que la menace devient de plus en plus tangible. Ensuite, la relation se transforme d'un coup en quelque chose de plus affectif, et cette évolution bénéficie de la même originalité que dans le roman: le caractère unique de Lisbeth y est pour beaucoup, et permet d'aborder des aspects bien plus profonds qu'une simple amourette. Ceux qui connaissent déjà le personnage s'en doutent...
Millénium est donc une très bonne adaptation habitée par une galerie de personnages véritablement originaux, et qui bénéficie surtout du maintien de l'atmosphère nordique si particulière à ce roman (et à la trilogie), en étant adapté par un Danois et avec des acteurs suédois. Et ça, ça vaut quand même mieux qu'une transposition américaine, non?


NB: petit jeu de piste si vous vous voulez lire mes critiques de la trilogie: dans ma liste de blogs, allez sur Wade Wilson's Archives, et selectionnez Stieg Larsson dans les libellés...

8 commentaires:

  1. Je vais le voir ce WE. J'étais déjà attirée par ce film mais tu m'as donné encore plus envie :o)

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  2. Cool, ça me fait plaisir! J'ai trop hâte de voir les suites...

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  3. Excellente approche, tu as eu le chic de me donner plus envie que n'importe quel critique pro. Allez, c'est programmé. Je précise que je n'ai pas lu les romans, si ça se trouve je les achète dans la foulée.

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  4. Ca c'est du compliment, merci! Si tu n'as pas lu le roman, tu auras l'avantage de la surprise, et ça devrait le faire aussi!

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  5. C'est fait. Tes commentaires s'avèrent avec le recul très pertinents : j'ai beaucoup aimé cette séance où les 150 minutes ne se voient pas passer malgré pourtant un rythme languissant (quoique crescendo) et quelques raccourcis parfois maladroits. A côté, Anges & Démons fait piètre figure (je l'ai trouvé niais et boursouflé).

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  6. J'avais vu Da Vinci Code que j'avais pas trouvé terrible, sans pourtant être la bouse annoncée (j'avais adoré le bouquin, même s'il faut pas dire ça dans les soirées mondaines!). Du coup Anges et Démons, j'ai passé, malgré les Illuminati;)

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  7. Bonjour, ce billet rejoint ce que je pense du film. Adaptation honorable, ce n'était pas gagné. J'aurais aimé que l'on voit plus Lisbeth en "hackeuse". C'est assez réjouissant. Sinon, j'attends la suite des adaptations. Bonne journée.

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  8. Lisbeth est totalement réussie, alors que c'était loin d'être gagné d'avance. J'attends aussi la suite avec beaucoup d'impatience! Et merci pour votre message!

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