
Sorti en DVD le 5 octobre
Wilson Yip fait partie de la vague actuelle des cinéastes hong-kongais orientés vers l’action, et on lui doit des films comme Dragon Tiger Gate, SPL ou Flashpoint. Il ne se sépare plus de son acteur fétiche Donnie Yen, qui endosse ici la défroque de Ip Man, illustre maître adepte de la boxe wing shun. Le film se présente comme un biopic totalement inscrit dans la sombre Histoire que traverse la Chine dans les années 30 et 40. Mais si l’aspect biographique pouvait rebuter en faisant craindre un traitement trop lent, Wilson Yip livre en fait un métrage captivant aux antipodes des fresques historiques habituelles.
Il faut dire que la véracité biographique est loin d’être respectée, le scénario partant d’un personnage réel pour le glorifier en héros en prenant des libertés assez incroyables : la lutte d’Ip Man contre les envahisseurs japonais, qui est tout de même le centre du film, a été totalement inventée et ne correspond aucunement à une réalité historique ! Les biopics ont souvent tendance à enjoliver le trait, mais l’histoire racontée est ici carrément différente de la vie du maître !

Si l’on passe cet énorme « détail » et que l’on prend le film pour son aspect cinématographique, Wilson Yip nous convie alors à un spectacle de haute volée dans lequel l’art martial est magnifié par la virtuosité de sa caméra. Yip pose des cadrages de toute beauté qui permettent d’apprécier dans le moindre détail la rigueur et la précision du geste, dans une successions de plans qui n’a rien de gratuit. On est loin des bandes surdécoupées ou des films poseurs masquant leur vacuité par une fausse vitesse ou un écrin creux. Yip se concentre sur son sujet et le filme avec respect, ce qui est perceptible dès les premières images où l’on voit le fameux mannequin de bois si caractéristique des arts martiaux. Ip Man est totalement imprégné du respect de la culture martiale et véhicule une image noble de cet art, et n’oublie pas sous ce vernis historique une efficacité très palpable.

Nous sommes loin des films de Hong-Kong ennuyeux comme il en fleurissait beaucoup dans les années 80, et Wilson Yip parvient à rendre son sujet intéressant en y intégrant une bonne dose d’action et des notes d’humour surprenantes. Les combats démarrent par la touche amicale, et évoluent au fur et à mesure vers une violence exacerbée. Cette gradation va de pair avec l’évolution historique du pays, qui se retrouve sou le joug de l’armée japonaise. Maître Ip Man, qui partage des valeurs plutôt pacifistes, va devoir user de ses connaissances en y ajoutant de la rage, et le résultat à l’écran se traduit de manière radicale avec un Donnie Yen en superbe forme. Les combats dirigés par Kuang Hsiung et Sammo Hung sont d’une très grande précision et sont encore élevés dramatiquement par la mise en scène de Wilson Yip. Le combat de Ip Man contre 10 hommes par exemple est graphiquement magnifique, et la rage qui traverse cette scène est très bien rendue par la caméra de Yip et par la présence de Yen.

Le gros reproche que l’on peut faire à Ip Man est la totale irrévérence par rapport à la réalité de la vie du maître ; par contre, il s’agit d’une œuvre cinématographique remarquable qui tient une place de choix dans la tradition des films d’arts martiaux.
