15 ans après son premier long
Boxing Helena,
Jennifer Lynch renoue avec le cinéma pour un thriller baignant dans une atmosphère bien tendue. Une très longue parenthèse entre deux œuvres radicalement différentes, même si elles laissent toutes deux apparaître un net penchant pour les figures désaxées et les comportements déviants.
Boxing Helena était un premier film ambitieux dans son propos casse-gueule (une femme mutilée par un homme amoureux afin qu’elle ne lui échappe pas), mais qui ne parvenait pas a garder une tension constante et qui souffrait d’un scénario plus approprié à un court qu’à un long métrage.
Jennifer Lynch prend une bonne bouffée d’air avec ce
Surveillance (sorti en DVD le 20 février), qui s’éloigne du huis-clos de
Boxing Helena et qui y gagne une mise en scène plus fluide et aérée. Ses plans contemplatifs d’une route désertique surmontée d’un beau ciel nuageux font écho à cette pause cinématographique de 15 années ; Jennifer Lynch a pris le temps, et le prend encore en filmant lentement avec la vision précise d’une artiste consciente de la fugacité temporelle et qui s’y inscrit avec humilité.
Car au-delà de l’argument policier du film, c’est à une distorsion temporelle que l’on assiste ; Jennifer Lynch ne mène pas son enquête de front, mais passe constamment du présent au passé, qui se divise en fait en plusieurs passés. 3 personnes se retrouvent interrogées dans un commissariat, et chacun se trouve dans une pièce différente. Chacun va donner sa version d’un terrible événement, et les deux agents du FBI (interprétés par les rares et excellents
Bill Pullman et
Julia Ormond) venus pour mener l’enquête vont devoir comprendre ce qui s’est réellement passé à travers ces trois interrogatoires. Le film est donc constitué de flashbacks qui vont progressivement éclairer le spectateur sur les événements, et la tension va monter graduellement grâce à ce procédé mêlant passé et présent.
Le scénario écrit par Jennifer Lynch et
Kent Harper laisse place à une galerie de personnages bien spéciaux, notamment deux flics carrément allumés. Mais ils va surtout dérouler un récit inquiétant débouchant sur un final plutôt surprenant, en maintenant toujours cette tension sous-jacente et en la faisant exploser à des moments-clés.
Surveillance bénéficie d’une construction scénaristique très élaborée, et la mise en scène de Jennifer Lynch permet de garder intacte cette tension en y apposant des touches faussement calmes. L’atmosphère se dégageant du film est très particulière et pourra dérouter certains spectateurs, mais elle renforce la crédibilité de la situation et cadre parfaitement avec l’explication finale.
Surveillance est une bonne surprise après les approximations de
Boxing Helena, et prouve que Jennifer Lynch a trouvé un ton bien à elle et s’est débarrassé des scories artistiques dues à son père. Une identité bien claire qui devrait donner naissance à des œuvres très originales et tordues…
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